QUELQUES REPÈRES HISTORIQUES

Les Fêtes de la Saint-Martin réunissent depuis plus de 50 ans les habitants de Tourinnes-la-Grosse et des villages avoisinants autour d’expositions d’art plastique, de spectacles, concerts et animations. 

Pour en comprendre l’origine, il faut remonter à Maximilien van der Linden, dit Max ou Miqui (1922-1999). Impossible de dissocier le projet de son « créateur ». Max naît au « château » de Nodebais. Au terme de ses études secondaires, il s’oriente vers la prêtrise, mais comprend assez vite que cet engagement n’est pas pour lui. Après un passage temporaire à l’université catholique de Louvain il se tourne vers le domaine artistique qui l’attire depuis toujours. Inscrit à La Cambre, il découvre progressivement son moyen d’expression, la céramique, s’intègre dans le milieu des artistes et y lie des amitiés durables. Diplômé en 1950, il travaille un temps à l’usine de porcelaine de Baudour. Quand il revient à Nodebais installer son atelier, Max souhaite partager ses expériences culturelles avec les jeunes de tous milieux, dans ce monde rural encore isolé. Un groupe se forme autour de lui pour faire de la musique, du théâtre, rencontrer des conférenciers invités sur des sujets divers. Parallèlement, dès les années 60, musicien lui-même, il rêve avec des amis d’organiser des concerts et des spectacles dans l’église de Tourinnes-la-Grosse récemment restaurée. Une chorale prépare une cantate de Bach avec un orchestre d’amateurs. Le premier « concert spirituel » a lieu le 14 mars 1965 — et donc pas encore durant le mois de novembre — dans l’église Saint-Martin. D’autres suivent à l’occasion de fêtes religieuses ou de divers événements. La chorale qui s’est baptisée depuis Chorale des Concerts de Tourinnes est de plus en plus appréciée et se produit avec succès, mais ne retient pas assez l’attention des gens du village, du « Tourinnes profond », ceux auxquels Miqui veut s’adresser en premier. En 1968, conscient de cette réalité, il programme le concert au moment de la « kermesse », fréquentée chaque année par un public local le 11 novembre, fête de saint Martin, patron de la paroisse, et propose en même temps des activités culturelles et festives qui s’étendent sur 4 week-ends. C’est le début des Fêtes de la Saint-Martin ! 

Les premières années, tout s’organise de manière informelle, avec la bonne volonté et l’engagement des participants et de leurs amis. Mais vu le succès de l’événement, une structure devient indispensable. L’ASBL Les Amis de Tourinnes est alors créée en 1970 et c’est toujours elle qui coordonne le projet avec, au fil du temps, un renouvellement des membres et une réflexion permanente sur ses objectifs et actions, garantie de sa longévité. Trois volets vont se développer : les expositions, le spectacle collectif et musical, les animations. Les premières expositions proposent des œuvres anciennes et contemporaines, de techniques très variées, d’artistes reconnus et d’amateurs, du village et d’ailleurs. Si ce type de parcours est aujourd’hui très répandu à la ville comme à la campagne, c’est une initiative originale en 1968. La presse en parle avec enthousiasme. Le succès va croissant. Ce développement entraîne la multiplication des lieux. Concentrées à l’origine à Tourinnes-la-Grosse et Nodebais, des expositions intègrent des fermes et maisons particulières à Beauvechain, La Bruyère, L’Écluse, Hamme-Mille, Nethen. À partir de 1998, l’équipe organisatrice s’adjoint des commissaires, différents chaque année, qui invitent une dizaine d’artistes réputés autour d’un thème pour le parcours officiel d’art contemporain. En parallèle, plus de 200 artistes exposent ces dernières années dans près de 100 lieux, tous privés.

Le théâtre quant à lui fait partie de l’ADN des Tourinnois depuis aussi longtemps que l’on remonte dans les traditions. Il était logique de le voir s’intégrer dans les Fêtes. Un premier spectacle collectif et musical, Martin de Tours, est créé en 1975 avec des acteurs locaux, un orchestre, la chorale, la fanfare et l’appui de quelques professionnels. C’est le début d’une longue série ininterrompue, portée par l’enthousiasme des participants — visibles ou en coulisse — prêts à tous les défis pour réussir chaque année le « miracle de la Saint-Martin » ! 

De multiples animations (concerts, conférences, taverne éphémère…) réunissent également villageois et amis dans une convivialité contagieuse qui attire de plus en plus de monde. Fréquentées à l’origine par un public local, les Fêtes vont attirer des visiteurs venus de toute la Belgique et au-delà, grâce à la qualité et l’originalité des expositions et spectacles. Paradoxe : Miqui a initié ces activités pour amener la « culture » dans un village encore isolé. Aujourd’hui c’est parfois à Tourinnes qu’un public urbain découvre les dernières recherches et expériences de l’art actuel !

Danielle Maloens Bertrand, historienne