19
Chez Nelly Bruneel, Ferme du Rond-Chêne
Rue du Culot 58
Tourinnes-la-Grosse
Denmark, l’Anarchiviste
Les archives peuvent sembler neutres, mais sont rarement innocentes. Le mot « archives » renvoie au grec archij, qui signifie « pouvoir » ou « domination ». En tant que dépôts de documents qui soutiennent les constellations de pouvoirs ou les (re) constructions historiques, elles fournissent les moyens de légitimer le statu quo. D’autre part, grâce aux connaissances et aux histoires qu’elles recèlent, elles contiennent également un potentiel de changement et de critique. Ce n’est pas un hasard si divers artistes utilisent les archives comme support physique ou adoptent le traitement d’archives comme stratégie artistique. Denmark fait les deux. En déconstruisant et en transformant les supports d’information, Denmark interroge la connaissance et le pouvoir à travers des mots qui les représentent dans les informations stockées en archives. Il mérite donc le label d’anarchiviste.
En 1972, Mark Robbroeckx, dit Denmark, né à Wilrijk en 1950, sort diplômé en histoire de l’art de l’Université de Gand. Il crée, cette année-là, l’une de ses toutes premières productions : Notes de cours raturées. Pour que l’essence de ses cours soit définitivement assimilée mentalement, l’étudiant doit d’abord les « transformer », c’est-à-dire les rendre illisibles manuellement. Cet acte presque rituel constitue la base de son œuvre ultérieure. Le biffage fait rapidement place à la découpe. Grâce au tranchage de livres de Denmark, les supports d’information obsolètes acquièrent une nouvelle fonction en tant que vecteurs de significations alternatives. Lettres Mortes et Archives Mortes s’avèrent donc ambivalentes : elles témoignent de la relation amour-haine que Denmark entretient à l’égard de la production de connaissances et du traitement de l’information.
Johan Pas, 2022
Traduction en français : Marie-Eve Soenen et Dominique Verhaegen